4. Traverser les célèbres régions du café de la Colombie, d’Antioquia a Quindío

Medellín, capitale du département d’Antioquia

Arrivée à Medellín (1’538m) dans l’agitation d’un milieu de journée après un voyage nocturne en bus quelque peu chaotique, j’ai frayée mon chemin à velo dans ce nouveau trafic urbain pour trouver refuge dans un quartier de la ville certes touristique mais plus calme et escarpé (El Poblado). Je perçois dans cette seconde ville colombienne les caractéristiques tout aussi agitées de la première, avec ses voitures, ses velos, ses scooters, ses piétons et ses vendeurs de rues omniprésents. Exception faite : la qualité d’un réseau métropolitain moderne suspendu, le seul en Colombie, desservant les points principaux de la ville et éliminant ainsi une grande partie du trafic des transports en commun et des taxis. Une innovation urbaine dont Medellín peut être fière, se plaçant comme métropole à l’avant-garde du progrès. Ses deux millions cinq cent mille habitants disposent par ailleurs du meilleur réseau de distribution d’eau ainsi que des meilleures infrastructures de santé du pays.

Le metro de Medellín

Situé dans « la vallée de l’éternelle printemps et des orchidées », traduisant un climat doux et constant, ce territoire fut foulé par les espagnols en 1541. La région était alors habitée par les indigènes Aburráe. N’y trouvant pas d’or, ces derniers poursuivront leur route non sans conflits avec le peuple indigène. Séduit par le climat de la région, le conquistador Don Francisco Herrera Campuzano fondera par la suite en 1615 la ville de San Lorenzo, a l’emplacement de l’actuel quartier El Poblado. Au XVIIIe siècle, des émigrants basques et juifs espagnols s’y installent, développant l’agriculture et l’élevage. La culture du café arrivera quant à elle au milieu du XIXe.

De cette ville, je ne parcourerai que les quartiers principaux, impatiente de prendre la route à velo et de débuter mon excursion, traçant mes propres idées et ressentis de ce pays contrasté et confrontant. Je quitte donc au troisième jour la ville, sans avoir particulièrement visité ou documenté ses intérieurs, souhaitant davantage parcourir les petits villages fondateurs de ces quatre régions bien connues pour leurs plantations de café, échappant à la pollution urbaine dense et étouffante. Cependant, Medellín est une ville dynamique et culturelle importante qui vaut le détour, étant le premier centre industriel et la ville la plus prospère du pays. Lieu de naissance du célèbre Fernando Botero, les sculptures en bronze aux formes généreusement « gonflées » de l’artiste ponctuent les grandes places de la ville.

Me voici donc au petit matin du samedi 15 juin sur mon velo, enfin, donnant les premiers coups de pédales au cœur d’Antioquia, 11 jours après mon arrivée en Colombie !


LA REGION D’ANTIOQUIA | Emergence de la culture cafetière.

Les premiers plans de café furent importés d’Ethiopie. Arrivée en Guyane française au 18e siècle, la culture du café débuta donc très probablement a l’est de la Colombie, au cœur des pleines herbeuses dans la région de Llanos. C’est a partir de 1850 qu’elle s’implante dans la région d’Antioquia, plus propice par son climat. La demande croissante européenne pour cette boisson noire énergisante et quelque peu amère donne ainsi naissance au fameux triangle de production du café (regroupant les régions de Antioquia, Caldas et Tolima), connu sous le nom de « El Paisaje cultural del cafetero », soit le Paysage culturel du café de Colombie, classé Patrimoine mondial en 2011. Ce bien constitue un ensemble de 6 paysages agricoles et de 18 centres urbains de proportions et d’histoires variées, implantés aux pieds des chaînes montagneuses orientale et centrale de la Cordillère des Andes.
Le café cultivé en Colombie est de la famille Robusta, riche en caféine et nécessitant un climat plus chaud, contrairement a l’Arabica (Ethiopie), plus fin et aromatique, s’acclimant de régions plus tempérées.
Implantée par les colons au XIXe siècle, la culture du café a Antioquia est le résultat d’une adaptation progressive aux conditions géographiques et climatiques propres a la cordillère colombienne, devenant une véritable économie et identité territoriale. Cette identité perdure encore aujourd’hui, même si les régions plus au sud (Quindio, Valle del Cauca, Cauca, Huila et Nariño) sont désormais plus productives, usant de méthodes modernisées.

Carte des régions/départements de la Colombie

San Antonio de Prado, vivre dans une Casa de ciclista au cœur des montagnes

A quelques kilometres de la place de ce village de la région métropolitaine de Medellín, se situe un lieu d’accueil chaleureux pour les cyclistes : la casa de ciclistas de Medellín. Tenu par Manuel Velásquez et son épouse Martha, ce lieu confortable est perché dans les montagnes, a quelques pas d’une rivière et possède toutes les modalités nécessaires pour les voyageurs a deux roues dont un atelier de réparation de velo très équipé. J’apprends qu’avant mon arrivée, un couple de français y avait élu domicile pour quelques jours, y construisant de toutes pièces leur vélo et leurs sacoches ! Accueillant depuis 2010 de nombreux cyclistes qui parcourent l’Amérique du Sud, la générosité de Manuel et Martha est magnifique et leurs conseils précieux !

Cycliste de longue date (15 ans), Evandro répare son velo pour reprendre la route.
Iglesia du village de San Antonio de Prado (2008, © Sajor)

LA REGION DE CALDAS | Premières journées au cœur des plantations

Le modèle des petites fermes familiales de café d’abord apparu dans la région d’Antioquia, s’est progressivement étendu aux régions voisines, dont Caldas. Plus stable par sa petitesse, il permit notamment a de nombreuses familles de survivre aux différentes crises que connut le cours du Café, notamment au XXe siècle (chute a la bourse, maladies, etc.).

El río Cauca

« Les plantations de café sont situées dans des zones montagneuses escarpées aux pentes vertigineuses de plus de 25 % (55°) de déclivité, caractéristiques du terrain difficile de la culture caféière. Ces traits géographiques inhabituels pèsent également sur la configuration des petites parcelles orthogonales, et façonnent la typologie architecturale, le mode de vie et les techniques agricoles des cafeteros (planteurs de café). Le mode de vie particulier de ces derniers repose sur les héritages transmis d’une génération à l’autre, la propriété foncière traditionnelle et un système spécifique de production sur de petites exploitations.
L’architecture typique des établissements urbains est le produit d’un mélange entre les modèles culturels espagnols et la culture autochtone régionale, qui s’est adaptée par la même occasion au processus de culture du café, avec l’installation de toits coulissants, par exemple. Les maisons servent à la fois de logement et de centre de l’activité économique, avec leurs murs construits selon la technique souple et dynamique du « bahareque » et leur couverture comportant une couche de bambou, matériau réputé pour sa résistance et sa malléabilité. Plus de la moitié des murs sont encore construits selon cette méthode traditionnelle. » (Unesco)

D’Aguadas (2’214m) a Palestina (1’630m), au cœur des plantations de café et de cacao

Situé sur des plateaux, au sommet ou au pied des collines verdoyantes aux petites parcelles conquises sur la forêt, les villages de la région de Café surplombent bien souvent les plantations, ce qui annonce de belles montées (et descentes) a velo, continues et éprouvantes.
La première ville typique, Aguadas, en témoigne. Appartenant au réseau des Villages patrimoine Colombien, la ville est ancrée ses paysages de plantations de café, de bananes et de canne à sucre. Fondée en 1808, elle est un joyau colonial, avec ses maisons en bahareque traditionnelle. Elle est egalement réputée pour son artisanat en palmier d’Iraca.

Inmaculada conception, Aguadas

Palestina, haute perchée, se mérite avec une montées sur 15 km, a pic et épique ! Mais les paysages en valent largement le détour (et la peine..).

Iglesia de Santa Bárbara, Palestina

Chinchina (1’378m), un lieu de production et de recherche sans charme

Fondée en 1857, Chinchina est la seconde ville d’importance dans la production du Café, après Manizales. Elle accueille a cet effet les plus importantes industries du secteur dont l’usine de transformation Liofilized Coffee, la deuxième plus grande au monde ainsi que le centre de recherche national du Café, fondé afin de developper les meilleures méthodes pour la production d’un Café de grande qualité.

Iglesia, Chinchina

LA REGION DE RISARALDA

Finca de Café Don Manolo

Après la visite d’une ferme de café familiale aux abords de Pereira (Finca de Café Don Manolo), j’apprends que la majorité des colombiens sont habitués a boire quotidiennement La Pastilla, un Café de qualité inférieur et bien moins cher produit avec des grains de café ne passant pas les critères pour l’exportation (grains contaminés, de couleurs douteuses, voir même des résidus de grains) – cela confirme mes premières expériences dans les villes précédentes n’ayant trouvé qu’une boisson noir sucrée a la mélasse (panela) appelée « Tinto ».

Les bons grains de café récoltés, durant la période de séchage
Les grains de café de mauvaise qualité, ne respectant pas les standard d’exportation.

Heureusement, les habitudes des colombiens changent progressivement pour préférer un café de meilleure qualité, lorsqu’ils peuvent se l’offrir.

Points café : un plan de café a une durée de vie de 15 ans, étant a trois reprises coupé afin de favoriser une récolte plus productive. Les fruits du cafetier, appelés cerises, mettent 8 a 9 mois afin d’arriver à maturité et d’obtenir leur couleur pourpre. Étant dans un paysage escarpé, chaque grain est récolté a la main. Une fois la cerise ceuillie, celle-ci est percée révélant deux grains de café enrobés d’une fine pellicule glissante appelé « miel ». Traditionnellement, les grains étaient séchés dans des bacs exposés sur le toit ou encastrés dans le sol des maisons, voir sur des sacs de jute exposés en plein soleil. Étant une région humide aux pluies imprévues, aujourd’hui de grandes baches transparentes recouvrent les structures accueillant les bacs. Le processus de fermentation est multiple, chaque ferme possédant sa propre tradition. Il existe cependant trois grandes catégories de fermentation : « natural », le fruit est pressé directement puis fermenté avec toutes ses composantes ; « miel », la cerise est ici ôté pour conserver uniquement la membrane qui renferme les deux grains ; « limpiado », consistant a ne conserver que les grains. La seconde methode est la plus aromatique, la membrane devenant sucre puis alcool accompagné d’une diversité de micro-organismes qui, par un travail minutieux, consomment progressivement la membrane. Cette méthode de fermentation dure approximativement 24 heures.

Le nettoyage des fruits récoltés
Le séchage des grains de café
Cafe vert, après fermentation et séchage
Grains secs (droite) et torrifiés (gauche)

Dosquebradas et Pereira (1’411m), séparées d’un viaduc

Ces deux villes collées serrées sont situées dans une région de transition entre la Cordillère et la vallée. Les plantations de cafe font ici place aux plantations de cannes a sucre. Je séjourne durant trois nuits dans une maison ancestrale accueillant l’Universidad Sin Fronteras (USF), une initiative sociale fondée sur le partage et l’échange culturel.

Le viaduc, emprunté sous la pluie en quittant la ville…
Vue de Pereira
Maison accueillant l’USF

LA REGION DE QUINDIO | De village en village

Filandia (1’923m), lumineuse et colorée après une journée pluvieuse

Tout comme Aguadas, Filandia (et plus tard Salento) est emprunt de l’architecture coloniale, influencée par le style espagnol. Les matériaux de construction traditionnel des maisons sont le torchis, cannes tressées, bambous et tuiles d’argiles pour la toiture (plus tard souvent remplacées par la tole).

Au petit matin, toutes portes fermées

Je garde l’histoire et les photographies du village de Salento, de ses vallées de palmier, des chemins fondateurs, des « arrieros », des vieilles fermes traditionnelles abandonnées, des forets ancestrales de la Cordillere centrale, de la Boquia, de la superbe réserve naturelle La Rosa de los Ventos, de ses oiseaux et de Margarita Rosa (féministe, écologiste et entrepreneuse extraordinaire) pour une prochaine publication. Il y a tant a dire.. !

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