LA VILLE BLANCHE DE LA VALLÉE DEL CAUCA
Édifiée à la croisée des routes commerciales reliant la ville de Quito, en Equateur, aux grands ports de la côte des Caraïbes, cette petite ville gagna rapidement de l’importance sous la colonisation espagnole, devenant le centre névralgique par le biais du commerce florissant de l’or et de l’esclavage .
Fondée le 13 janvier 1537, Popayan est fièrement surnommée « la ville blanche » de la Colombie.

Originaire de « hameau » en langue autochtone, Popayan dévoile en son centre historique presque uniquement des bâtiments blancs, recouvert de chaux, à quelques rares exceptions prêts. Cette blancheur qui reflète la lumière du jour est un doux contraste dans la vallée verdoyante de Pubenza et symbolise fièrement l’héritage colonial tout comme les nombreux intellectuels, poètes et hommes politiques qui y virent le jours. Et pour cause, non moins de 17 hommes d’influence naquirent à Popayan, dont les présidents Guillermo Léon Valencia (1909-1971) et Tomas Cipriano de Mosquera (1798-1878) ainsi que le célèbre botaniste (entre autre chose) Francisco José de Caldas (1768-1816). C’est également ici qu’est née Josefina Valencia de Hubach (1913-1991), issue d’une des plus célèbres familles de Popayan, et qui fut la première femme occupant un poste politique au gouvernement colombien, instaurant par le fait même le droit de vote aux femmes en 1954.
Popayan fit l’objet de nombreux tremblements de terre, dont trois dévastateurs en 1736, 1885 et 1983, étant située au pied du volcan Puracé. Ces derniers nécessitèrent la reconstruction quasi totale de la ville, qui se relève toujours de ses cendres.

UNE VILLE RELIGIEUSE HISTORIQUE
Mais Popayan est aussi célèbre pour ses majestueuses processions durant la Semaine Sainte, classées par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2009. Considérée comme « l’une des plus anciennes traditions pratiquées en Colombie depuis l’époque coloniale », ces processions complexes et savamment orchestrées suivent un parcours de deux kilomètres dans le centre historique. « Les processions ont une qualité artistique (dorures, ébénisterie) et une atmosphère sonore et olfactive (encens) remarquables. Leur préparation, qui dure toute une année, se déroule selon un enseignement transmis aux enfants dès l’âge de cinq ans, et ce de génération en génération. Elles font appel à un vocabulaire et à un savoir-faire spécifiques. […] Les processions, qui attirent de nombreux visiteurs du monde entier, sont un élément majeur contribuant à la cohésion sociale et à l’imaginaire collectif local. » (https://ich.unesco.org/fr/RL/les-processions-de-la-semaine-sainte-a-popayan-00259).
On retrouve ainsi un grand nombre d’églises, de chapelles et de monastères. La grande majorité de ces édifices religieux furent construit entre le XVII et XVIIIe siècle par le biais de dons des grandes familles riches de la ville qui souhaitaient assurer la pérennité d’une culture religieuse d’influence européenne, marquant autant les modes de vie que le pouvoir politique et économique. Ces grands temples de la ville reflètent des valeurs architecturales et artistiques d’une grande richesse stylistique (néoclassique, baroque tardif, renaissance, etc.) ainsi qu’une valeur sociale d’une grande importance, représentatif d’une tradition qui fait vivre la ville au grès des messes et des journées saintes.
Catedral Basílica de Nuestra Señora de la Asunción
Elle fut construite en 1906 grâce a la famille de Manuel Antonio Arboleda. Dotée d’un magnifique orgue européen, la cathédrale fut restaurée suite en tremblement de terre de 1983, incluant sa grande coupole de 40m de hauteur. La restauration épouse minutieusement les regles instaurées par l’architecte de Popayan Adolfo Dueñas. Cette cathédrale est la troisième construction religieuse sur ce même site, une première cathédrale ayant été édifiée 1609.
Capilla de Belén
Surplombant la ville, cette chapelle fut érigée sur le site d’une chaumière construite initialement par les Indiens Yanacomas. La chapelle fut détruite par le tremblement de terre de 1983. Adjacente à celle-ci se trouve une croix en pierre de 1789, porteuse de nombreuses légendes demeurant quant a elle intègre.
Capilla de la Ermita
Cette chapelle est la plus ancienne de Popayan. Elle fut construite en 1546 sur un ancien cimetière où les corps des habitants pauvres de Popayán étaient inhumés. Son intérieur revele un magnifique autel et des fresques redécouvertes suite au tremblement de terre de 1983.
Iglesia de San Agustin
Cette église fut endommagée par le tremblement de terre de 1736 et reconstruite grâce aux dons de philanthropes. Un nouveau tremblement, en 1827, démolit à nouveau l’église de San Agustin. La structure actuelle date de 1858.
Iglesia de Santo Domingo
Oeuvre du baroque tardif, l’église fut dessinée en 1552 par l’architecte espagnol Antonio Garcia a la demande de la famille Arboleda. Recelant des œuvres de maîtres espagnols et de Quito, elle fit l’objet de plusieurs reconstructions, notamment suite aux tremblements de terre de 1736 et de 1983. La chaire a été conçue dans la première moitié du XIXe siècle grâce à Francisco José de Caldas.
Iglesia San Francisco
Financée par les familles Valencia et Arroyo, cette eglise constitue le meilleur exemple du style baroque en Colombie.
Iglesia San José
Connue également sous « el Templo de la Compañía de Jesús », cette église fut construite en 1702 suivant les règles architecturales instaurées par les jésuites sous l’influence du baroque émergent en Amérique. Tout comme les autres, elle fut sujet a plusieurs phases de transformations, reconstructions et restaurations, dont la plus récente en 1983 afin de rétablir sa façade de pierre, recouverte de chaux et de peinture durant près de deux siècles.
Malgré la modernisation et l’industrialisation, Popayán a su conserver son charme colonial.

Aujourd’hui, nombreux bâtiments du centre historique sont protégés sous l’insigne « Monumento Nacional », bien entretenus et ouverts au public, grâce a des fonds gouvernementaux et l’attrait du tourisme.
Parmi ceux-ci, la maison Caldas, la maison Guillermo Valencia et la maison Mosqueba.

Toutes trois reflètent les traditionnelles « casonas y haciendas » coloniales du XVIIIe siècle : des enfilades de pièces disposées en carré, des galeries prolongeant les intérieurs (l’hiver étant tres doux, l’extérieur est une partie integrante de la maison, habitable à l’année longue), de généreux patios verdoyants où trône au centre une fontaine, de grandes fenêtres de bois et une structure en bois bien orchestrée surmontée d’un toit d’ardoises. Le bain se retrouve quant a lui au cœur d’un patio, plus éloigné des pièces ceremoniales.









Poète et grand diplomate, Guillermo León Valencia fut président de 1962 a 1966 tout comme Tomas Cipriano de Mosqueba, se qui explique la grandeur et la majestuosite de leur demeure. Francisco José de Caldas, qui donna son nom au parc central du centre historique, est quant a lui un personnage des plus emblématique pour Popayan tout comme la Colombie. Scientifique, ingénieur, militaire, journaliste, astronome, botaniste et géographe, rien de moins, il a parcouru nombreux territoires colombien et équatorien afin de dresser un portrait scientifique des plus enrichissants de la flore et de la faune. Né en 1768, il sera fusillé a Bogota pour ses actes de rébellion en faveur de l’indépendance de son pays.
Toutefois, certains édifices nécessitent un visage connu pour franchir leurs portes. Heureusement, je fus guidée durant mon séjour par une historienne, Regina, parcourant les rues avec en filigrane l’histoire politique de la ville. Ce fut le cas de ceux du théâtre Guillermo Valencia, situé dans un ancien édifice colonial. En pleine répétition d’un prochain spectacle, les portes nous furent généreusement ouvertes.
La Universidad del Cauca, très réputée en Colombie, est également au cœur du centre histoire.
Autres points d’intérêt :
El Torre del Reloj, « Tour de l’Horloge » fut construite entre 1673 et 1682. Symbole de Popayan, elle est surnommée le « nez de Popayán ». Après le tremblement de terre de 1983, l’horloge fut restaurée et remise en fonction.
Puente del Humilladero, enjambant le río Molino fut construite en 1873 par l’architecte et ingénieur Serafín Berbetti, de l’Ordre franciscain. Le pont ne coûta que 18 000 pesos or (au lieu des 70 000 prévus) car Serafín Berbetti se contenta bien souvent du gîte et du couvert pour paiement. Avant sa construction, la route qu’il permet maintenant de contourner était si raide qu’il fallait se courber a en toucher le sol paraît-il avec les genoux, portant de lourdes charges jusqu’à la grande place.
EL Morro del Tulcan, qui surplombe doucement la ville. Il s’agit d’un ancien cimetière précolombien, contredit entre 500 et 1600 av. J.-C. Temple sacré, le peuple indigène Pubenenses, de la vallée de Pubenza, y vénérait les dieux, le soleil, la lune, les étoiles et la pluie. A l’arrivée des espagnols, le site était abandonné. Les premières fouilles menées dans les années 1950 permirent d’esquisser la composition de son sol et l’origine de sa forme de colline : ce temple pyramidal de terre en pisé et de terre battue, aujourd’hui dissimulé sous la terre et la vegetation, était le site sacré de cette communauté, permettant d’un même temps d’annoncer leur territoire. Il s’agit d’un précieux témoignage d’architecture cérémonielle de cette communauté.


Aujourd’hui Popayan est une ville d’importance historique, qui bat au rythme des passants et des touristes, tranquillement, dans un climat doux et serein.
Reconnu pour sa culture gastronomique par l’UNESCO depuis 2003, soulignant l’importance de la tradition culinaire régionale, j’avoue ne pas avoir dégusté beaucoup de mets typiques de Popayan, si ce n’est une boisson a base de mais, de feuille d’oranger, de sirops de panela (« mélasse »), d’ananas, de lulo et d’épices, appelé « Champus ».
Visitant la ville avec Regina, une historienne merveilleuse, j’ai davantage visiter que déguster. Nous partagions du café sucré, (un breuvage consommé à toute heure de la journée en Colombie), tranquillement chez elle, après une journée de marche, en mangeant des Bunuelos, traditionnelles boules de pain fris, ou des arepas con queso, ces fameuses galettes de mais colombienne farcies de fromage frais.